Des études menés par l’Institut Scientifique de Santé Publique (WIV-ISP)
démontrent que la bactérie hospitalière Staphylocoque doré résistant à la
méticilline (MRSA) est en train de perdre du terrain et ce, grâce à une approche
conjointe des autorités concernées. Le WIV-ISP et les Laboratoires Nationaux de Référence pour les bactéries
résistantes ont réalisé, en 2011, une recherche sur le portage de bactéries résistantes aux antibiotiques chez les personnes
âgées. L’étude a porté sur 60 maisons
de repos et de soins (appelées « MRS ») belges. En comparaison avec la
précédente étude menée en 2005, le portage de la bactérie hospitalière MRSA chez
les résidents des « MRS » en Belgique a diminué de 7%. La surveillance nationale du MRSA, menée par le WIV-ISP
dans les hôpitaux, montre la même évolution favorable. Les deux études montrent
cependant que d’autres bactéries résistantes aux antibiotiques apparaissent. Une
approche globale, tant dans les hôpitaux que dans les autres centres de soins, mais aussi dans la
population générale, reste
donc indispensable.
L’Institut Scientifique de Santé Publique et les
Centres Nationaux de Référence pour les bactéries résistantes (UCL, CHU Mont-Godinne et l’hôpital Erasme de l’ULB) ont mené en 2005 et 2011, des
études dans 60 maisons de repos et de soins belges. L’objectif était de
déterminer combien de personnes âgées étaient porteuses de bactéries résistantes
aux antibiotiques. « D’après une comparaison entre les deux études, il apparait
que, pour la période étudiée, le portage du staphylococcus aureus résistant à la méticilline
(appelées également bactéries hospitalières « MRSA ») a diminué de 7% chez les
résidents des maisons de repos et de soins », explique Béatrice Jans de
l’Institut Scientifique de Santé Publique. « Une telle tendance favorable a
également été observée dans le rapport annuel 2011 de la surveillance nationale des
MRSA dans les hôpitaux. Ce travail de surveillance est assuré co-jointement par le
WIV-ISP et par le laboratoire
de référence des staphylocoques depuis 1994. Depuis 2003, le nombre de patients
ayant contracté le MRSA durant un séjour à l’hôpital a diminué de plus de moitié
». Olivier Denis du laboratoire de référence des MRSA à l’hôpital Erasme (ULB)
ajoute : « Non seulement, moins de patients contractent le MRSA en hôpital, mais
le staphylocoque doré est également moins souvent résistant aux antibiotiques
que dans le passé » .
Cette évolution favorable est due aux efforts que
la Belgique a fourni ces dernières années afin d’enrayer le MRSA dans les
hôpitaux et les établissements de soins de santé. En voici quelques exemples
:
Les laboratoires de référence et le WIV-ISP suivent de très
près l’évolution du MRSA ;
La Commission belge de coordination de la politique
antibiotique (BAPCOC) a élaboré une politique rationnelle d’usage des
antibiotiques pour tous les secteurs afin de lutter contre les futurs
développements de la résistance. L'efficacité de cette politique se reflète par
les résultats des études réalisées dans les maisons de repos et de soins : entre
2005 et 2011, le pourcentage de résidents avec un traitement antibiotique récent
a diminué de plus de 10%.
« En même temps, il faut insister sur
l'importance de l'hygiène des
mains. Pour cela, les
différentes autorités belges ont organisé des campagnes d’hygiène des mains dans
les hôpitaux et en maison de
repos et de soins, afin de lutter contre la transmission de germes par les mains, tant au niveau du
personnel soignant, des patients que des visiteurs », a déclaré Anne Simon, de
l'Unité d'Hygiène Hospitalière, Cliniques Universitaires St Luc.
Les
équipes d'hygiène hospitalière et le personnel des maisons de repos et de soins
ont élaboré une politique ciblée de prévention de l'infection, avec également
une collaboration et une communication de plus en plus systématique entre les
deux secteurs. Le dernier point est essentiel car la résistance aux
antibiotiques ne connaît pas de frontières.
« Toutes ces actions semblent
maintenant porter leurs fruits, mais il y a des efforts supplémentaires à
fournir, parce que si le MRSA est en recul, de nouveaux types de bactéries
résistantes émergent », explique Youri Glupczynski du Centre National de
Référence pour les entérobactéries résistantes à CHU Mont-Godinne (UCL). « Suite
à l’utilisation inappropriée d’antibiotiques, des bactéries intestinales à
l’origine banales comme Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae ont développé
des mécanismes qui détruisent les antibiotiques par la production de l’enzyme «
Bêta-lactamase à Spectre Etendu (BSLE) », qui rend le traitement par
antibiotiques Bêta-lactames difficile. Ces mêmes bactéries peuvent également
produire un autre enzyme ‘Carbapénèmase’ (CPE) qui affaiblit l'efficacité
d’autres antibiotiques (les carbapénèmes). En conséquence, l'arsenal
d'antibiotiques qui peut encore être utilisé pour traiter ce genre d’infections
est beaucoup plus limité et les médecins doivent recourir à des antibiotiques de
plus en plus lourds, contre lesquels les bactéries peuvent à leur tour
développer une résistance. Il est donc essentiel de briser ce cercle vicieux en
n’utilisant les antibiotiques que lorsqu’ils sont vraiment nécessaires »,
explique Michiel Costers de la Commission belge de coordination de la politique
antibiotique (BAPCOC).
« En principe, tout le monde peut être porteur de
bactéries intestinales résistantes. Les personnes en bonne santé ne le
remarquent généralement pas. C’est uniquement chez les personnes gravement
malades ou très affaiblies qu’une telle contamination peut effectivement
conduire à une infection », explique Béatrice Jans (WIV-ISP). L'étude nationale
réalisée dans les maisons de repos et de soins (2011) montre que le pourcentage
de porteurs de « BSLE » dans les établissements de repos et de soins (sans signe
extérieur de maladie) est plutôt limité ; seulement 6,2% des résidents étaient
porteurs. Cependant, la surveillance dans les hôpitaux montre que le nombre de
bactéries résistantes productrices de BSLE a augmenté entre 2005 et 2011 : le
nombre de E. coli BLSE+ est passé de 4 % à 7,4 % ; le pourcentage de Klebsiella
BLSE+ est passée de 6,9% à 11,6%. Les bactéries résistantes aux carbapénèmes
sont également plus fréquentes dans les hôpitaux. Il y a quelques années encore,
ce type de résistance était encore rare dans notre pays, mais il est apparu via
le transfert de patients venant d’hôpitaux depuis l’Afrique du Nord, l’Europe du
Sud et l’Asie. Durant les six premiers mois de 2012, l’on a compté un total de
217 cas de CPE diagnostiqués dans les hôpitaux. « Entretemps, le CPE ne concerne
plus exclusivement les voyageurs, mais il concerne également les patients dans
les maisons de repos et de soins ainsi que la communauté », explique Youri
Glupczynski (CHU Mont-Godinne).
Pour pouvoir endiguer la progression de
ces résistances, toute l'expérience acquise dans la lutte contre le MRSA est à
présent déployée contre ces nouvelles formes de résistance. « Une approche
nationale a été mise en place, avec une surveillance ciblée et des directives
spécifiques émanant du Conseil supérieur de la santé dans le cadre de la lutte
contre les bactéries CPE dans les institutions de soins de santé », a déclaré
Michiel Costers (BAPCOC).
Pour le futur, le message est donc le suivant :
rester vigilant, recourir aux antibiotiques avec prudence, et surtout promouvoir
l'hygiène des mains. Non seulement dans les établissements de soins, mais aussi
en dehors, chez tout un chacun.