vendredi 27 juin 2014

Pour que cessent les violences à l’égard des Congolais expulsés d’Angola

Chaque année, en quête d’un avenir meilleur, des dizaines de milliers de Congolais traversent illégalement la frontière angolaise pour aller travailler dans les carrières minières. La plupart d’entre eux sont ensuite expulsés du territoire Angola, dans des conditions déplorables, au mépris des droits humains. C’est ce dont témoigne Médecins du Monde Belgique, qui, pendant 23 mois, a développé un programme de prise en charge médicale et psychologique de ces expulsés, dans les provinces de Kamonia et de Luambo, au Kasaï occidental, à la frontière angolaise, à l’occasion de la publication de son rapport « Migration transfrontalière, expulsions, violences et violences faites aux femmes : la tragédie des Congolais expulsés d’Angola ».
Ce rapport est présenté aujourd’hui, à Kinshasa, en présence de Madame Geneviève Inagosi, Ministre du genre et de la famille.

Basé sur l’analyse quantitative de 13.304 consultations, réalisées sur la période mai 2013-février 2014, ce rapport fait état d’une politique migratoire marquée par la violence, utilisée comme mesure de rétorsion sur les migrants congolais : lors de leur expulsion, les Congolais sont confrontés à l’extorsion de biens, à la torture et aux viols, parfois collectifs.
Ce rapport dresse un constat alarmant : malgré un changement de politique de régulation des migrations entre les 2 pays, le flux de victimes de violences sexuelles prises en charge ne s’est pas tari.
En juillet 2013 les provinces de Lunda Norte (Angola) et du Kasaï occidental (Congo) signent un accord permettant la libre circulation des biens et des personnes. Des laissez-passer payants (42 dollars) de 72 heures sont délivrés aux Congolais, grâce auxquels ils peuvent se rendre en Angola, dans un rayon de 10 km.
Et pourtant, les expulsions se poursuivent et s’accompagnent de violences sexuelles : le nombre de nouveaux cas mensuels est passé de 48 en moyenne entre mai 2013 et juillet 2013, à 111 en moyenne entre novembre 2013 et février 2014, soit une augmentation de 131%.
Ces expulsions accompagnées de violences sexuelles ont de graves conséquences sur la santé des 1411 victimes reçues en consultation, dont l’écrasante majorité sont des femmes : près de 66 % d’entre elles avaient contracté des infections sexuellement transmissibles (IST) et 30% avaient dû faire face à des complications (avortements, algies post-violences, contusions graves) et des désordres psychologiques graves. 65% des femmes victimes de violences sexuelles ont été violées collectivement. (Chiffres août 2012- février 2014)

Au vu de ces chiffres, Médecins du Monde appelle la communauté internationale et les gouvernements concernés à prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à ces violences et protéger les migrants congolais. MdM appelle les deux gouvernements à mettre en place un nouvel accord sur les mécanismes de régulations migratoires. Cet accord doit permettre d’assouplir les procédures pour une réelle circulation des personnes, tout en protégeant les droits de ces migrants économiques. Enfin, les gouvernements et bailleurs de fonds sont appelés à se remobiliser afin de soutenir le travail des acteurs de terrain assurant la protection des expulsés et le renforcement du système de santé impliqué dans la prise en charge des victimes de violences.
Médecins du Monde