vendredi 5 juillet 2013

La compétitivité des entreprises et la Belgique en tant que hub logistique sont en danger

La compétitivité des entreprises et la position concurrentielle de la Belgique en tant que hub logistique sont en danger et l’industrie est sous pression

Fin juin, les subsides pour les transports combinés et le transport diffus sont supprimés. Cela aura des conséquences importantes pour l’offre ferroviaire en Belgique.

Un accord politique, mais une proposition qui n’a pas été votée
Les autorités sont conscientes de la nécessité de soutenir le transport ferroviaire et confirment que, eu égard à la sévérité des normes en matière d’environnement et de sécurité, il est préférable que les marchandises soient transportées par train plutôt que par camion. En accordant des subsides, au début de cette année, les autorités reconnaissaient implicitement qu’il fallait créer des conditions pour que le transport ferroviaire devienne rentable.
Avant le conclave budgétaire, une proposition était prête, sur laquelle un accord politique était acquis. Malgré cela, les mesures de soutien ont été annulées. Cela étonne et inquiète tant les ports, les entreprises portuaires, les terminaux que l’industrie et les opérateurs ferroviaires. Selon eux, cela constitue une démonstration claire que l’on sous-estime largement l’importance que revêt le transport ferroviaire dans l’économie belge.

La subsidiation du transport diffus pendant 6 mois est insuffisante

Depuis le début de cette année, les autorités belges ont accordé des subsides au transport diffus*, d’abord pour 2 mois, ensuite pour 4 mois supplémentaires, en vue de créer des conditions qui permettraient de rentabiliser cette activité. Un certain nombre de conditions étaient alors liées à l’attribution de ce soutien. Les opérateurs ferroviaires qui jouissaient de ces subsides étaient tenus d’améliorer l’efficacité de leurs activités et de prévoir des solutions structurelles pour atteindre le seuil de rentabilité. Les opérateurs ferroviaires ont fourni des efforts considérables et ont enregistré des résultats positifs. Cette période transitoire de six mois est cependant trop courte pour permettre de réaliser un changement suffisamment marquant. Il s’agit en effet d’interventions majeures qui peuvent exercer un impact important sur le bon fonctionnement des clients industriels et ne peuvent pas être mises en œuvre d’un jour à l’autre.

Le transport diffus est d’une importance cruciale pour l’industrie

Bien que le transport diffus soit à 90 % international, il se révèle d’une importance cruciale pour d’importants secteurs de l’économie belge. Ce sont surtout les industries (pétro) chimique et métallurgique qui sont fortement dépendantes de ces transports. En 2011, quelque 8 millions de tonnes de marchandises ont été transportées vers plus de 300 sites industriels par le biais du transport diffus. Un réseau performant de transport diffus est en outre un atout de taille pour la position concurrentielle des ports de mer belges, en particulier Anvers.
La décision de mettre (partiellement) un terme au transport diffus exercerait un impact direct sur le bon fonctionnement et l’avenir de sites industriels dans les secteurs (pétro) chimique et métallurgique, sur la position concurrentielle des ports de mer, sur les investissements consentis en Belgique, ainsi que sur l’emploi et sur les émissions de soufre et de CO2 (quelque 105.000 tonnes par an à cause du modal shift vers la route). Si les autorités restent inactives, la Belgique aura à faire face à un choc économique considérable, sans parler de l’impact que cette situation exercera sur la sécurité, l’environnement et la mobilité.

Port d’Anvers, Eddy Bruyninckx, CEO de la Société Communale Portuaire d’Anvers et Alfaport, Stephan Vanfraechem, directeur Stratégie et public affairs
"Le secteur du transport ferroviaire diffus revêt une importance capitale pour le tissu économique du port. Le transport diffus permet en effet d'organiser les processus de production avec un maximum de souplesse. La disponibilité de cette activité ferroviaire est dès lors d'une importance considérable pour les processus d'investissement dans de nouvelles lignes de production et pour le choix du lieu où s'établissent certaines entreprises logistiques. Ce secteur joue un rôle clé au sein du port d'Anvers pour le fonctionnement de l'industrie portuaire et en vue d'assurer le maintien d'un certain nombre de trafics cruciaux comme celui de l'acier et la chimie." 

Essenscia, fédération des industries chimiques et des sciences de la vie, Yves Verschueren, Administrateur délégué

“Le transport de fret par voie ferrée est d'une importance stratégique pour l'industrie chimique de notre pays. Dans la mesure où la Belgique est une plaque tournante logistique pour l'industrie chimique européenne, essenscia a déjà fait la démonstration de son engagement en participant à la création de la s.a. Antwerp Railport. Les subsides temporairement accordés au transport diffus restent actuellement indispensables, dans l'attente de la découverte d'un partenaire qui convienne à SNCB Logistics. Une logistique performante est d'une importance cruciale pour que le secteur chimique puisse conserver à l'avenir son statut de fleuron de l'industrie belge. La continuité du transport diffus est en conséquence un dossier de la plus haute importance aux yeux du High Level Group Chimie, entre essenscia et le gouvernement fédéral.”

Groupement de la Sidérurgie (GSV), Robert Joos, General Manager
 
« La sidérurgie se situe au cœur des activités industrielles. Son chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 9 milliards euros et le volume de ses expéditions, 9 millions de tonnes en 2011, témoignent de l’importance du secteur. Pour ses besoins de transport de marchandises, la sidérurgie fait appel au rail tant pour les approvisionnements que pour les expéditions vers la clientèle utilisatrice. Par ailleurs, en raison de la parcellisation et concentration de la production sur les sites les plus appropriés, les flux inter-sites sont en développement constant pour lesquels le recours aux « wagons isolés » est indispensable. Le secteur de la sidérurgie suit dès lors de très près l’évolution de la réorganisation en cours au sein de la SNCB et de sa filiale SNCB Logistics. Notre attention porte plus particulièrement sur l’avenir du transport diffus. Les entreprises de notre secteur sont confrontées à une concurrence accrue et s’orientent de ce fait de plus en plus vers les produits à plus haute valeur ajoutée qui portent sur des volumes moins importants. Le recours aux wagons isolés s’en trouve ainsi intensifié, d’autant plus que la clientèle entend être approvisionnée dans des délais tendus ce qui s’inscrit dans leur politique de compression de leurs stocks. Le transport ferroviaire assure donc un rôle crucial dans l’approvisionnement de nos usines et l’expédition de leurs produits. Le bon fonctionnement de ces transports requiert un prix compétitif de même qu’une bonne qualité du service, en ce compris la traçabilité, et une disponibilité de capacités suffisantes. Une limitation, voire une quasi-disparition, du trafic diffus obligerait nos entreprises à s’orienter vers d’autres modes de transport, notamment la route. Une telle évolution serait en outre en flagrante contradiction avec le transfert inverse – de la route vers le rail – encouragé pour des raisons environnementales et de décongestionnement de la route. Une moindre disponibilité du rail gênerait le fonctionnement de nos entreprises sidérurgiques, de même que des sites industriels en général pouvant ainsi conduire à des délocalisations d’activité. Afin d’éviter la disparition du trafic diffus, un subventionnement par les pouvoirs publics s’avère donc indispensable. »

Port de Gand, Daan Schalck, CEO : Les transports par conteneurs pourraient rallier ailleurs

« La mise à l’arrêt du support accordé depuis 2005 au transport combiné (transport de conteneurs) est surtout préjudiciable au National Rail Container Network (Narcon) qui combine les volumes d’Anvers et Zeebrugge et relie tous les quais portuaires à d’importantes plates-formes de distribution européenne comme Duisburg, Athus, Strasbourg… Des études démontrent que la suppression des subsides entraînerait une disparition du transport ferroviaire interne, ce qui serait néfaste pour la position concurrentielle des ports et donnerait lieu à un transfert vers le transport routier. Un tel transfert entraînerait aussitôt un surcroît de congestion sur des routes déjà fortement encombrées. De plus, une suppression progressive du Narcon résulterait dans un déménagement vers des ports étrangers des flux de débarquement d’Anvers et Zeebrugge, avec toutes les suites néfastes que cela implique en termes d’emploi dans notre pays. »

Port de Zeebrugge, Joachim Coens, Administrateur délégué MBZ

“La suppression des subsides accordées au transport ferroviaire nous fait craindre que nos trafics passent du rail à la route ou, pire, qu'ils transitent par d'autres ports. Comme il n'existe pas de liaisons valables par les voies navigables, Zeebrugge est dépendante du rail en terme de mode de transport écologique. L'avenir du trafic de conteneurs du port de Zeebrugge risque de ce fait d'être mis singulièrement sous pression.”

CMA CGM Belgium, Eugène Vanfleteren, CEO

“Des produits ferroviaires intermodaux attractifs ont permis aux armateurs de transférer de la route à la voie ferrée des centaines de milliers de conteneurs maritimes qui arrivent ou sont transbordés dans les ports maritimes flamands. Une hausse des tarifs ferroviaires intermodaux modifierait incontestablement la mise. Les armateurs se verraient obligés de revenir au transport routier monomodal pour le marché local ou, pour les hinterlands plus éloignés comme Duisburg, l'Alsace, etc., d'opter pour l'alternative multimodale plus efficace en termes de coût qu'offre le port de Rotterdam, avec son vaste réseau de voies ferrées et de navigation fluviale. Ces conteneurs ne seront dès lors pas seulement perdus pour nos propres ports de mer et nos entreprises logistiques (expéditeurs et agents en douane), mais ils seront en outre transportés par des entreprises étrangères.”

Terminal Container Athus, Alain Rysman, General manager

“Nous confions au transport ferroviaire près de 50.000 conteneurs maritimes par an pour un volume total de 70.000 en traitement sur le terminal. Ces volumes représentent 180 emplois directs et indirects. Les solutions ferroviaires utilisées ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années tant sur le plan économique, qu’écologique. Ces solutions offrent à notre entreprise une visibilité mondiale à travers notre clientèle maritime. Le marché et les clients reconnaissent les performances du système. Un arrêt brutal condamne les activités du terminal à terme. Pour Terminal Container Athus, cela signifie des cash drains importants qui finiront par assécher notre trésorerie et, à terme, un transfert de ces 250 conteneurs par jour du rail vers la route entre Anvers et Athus ou autre alternative envisageable, ces conteneurs seront déchargés à Rotterdam plutôt qu’à Anvers, notre port de référence.  La prolongation du régime d’aide est nécessaire, sans devenir structurelle, et sa fin doit être pensée et mise en application avec précaution. L’incertitude ressentie depuis plusieurs mois par le marché est déjà néfaste à l’heure actuelle et engendre des baisses du volume transporté. »


* Le transport diffus est un système intégré de transport qui permet, en cumulant les volumes de divers clients, de transporter par voies ferrées un nombre de wagons relativement faible pour chaque client. Du fait de la nécessité d’un nombre important d’opérations de triage et de services locaux, il s’agit un service qui exige beaucoup de travail et donc une échelle suffisante. C’est en raison de sa complexité que le transport diffus est soutenu par les autorités en Suisse et en Autriche mais a, par ailleurs, été progressivement supprimé dans de nombreux autres pays européens (France, Espagne, Italie). 

(Belga)